Assemblée Fédérale des Verts, Bordeaux, 2-3 décembre 2006
Assemblée Fédérale des Verts, Bordeaux, 2-3 décembre 2006
Motion d’orientation adoptée
Le troisième temps de l’écologie politique
Les tensions internationales, la guerre pour des ressources
énergétiques
et écologiques plus rares, les premières manifestations
du choc climatique, la réduction de la biodiversité, l’hégémonie
désastreuse des Etats-Unis, la contre-menace terroriste,
l’enlisement d’une Union européenne affaiblie, l’impuissance des Etats
à
combler les inégalités même en partie, tout entretient
la peur, le repli sur soi.
Le dérèglement climatique est le résultat
d'un
développement insoutenable, du gaspillage massif issu de
l'accumulation et de l'hyperproduction des pays du Nord : les
conséquences
les plus importantes seront subies par les
populations les plus pauvres.
D'ores et déjà, la terrible réalité des
réfugiés climatiques amplifie les effets de l'immigration
économique.
Le désarroi est présent, le vote pour les populismes et les
nationalismes
s’est installé dans tous les pays démocratiques.
Ainsi, le décalage entre les discours politiques et les perceptions de
nos
concitoyens s’est accru fortement.
Depuis le 21 avril, le malaise s'amplifie : en témoignent en France le
résultat du référendum sur le TCE, les émeutes des
banlieues, la lutte contre le CPE.
Le recul de l’Etat, les conditions de vie d’une partie de la population
l’érosion des positions syndicales ou associatives,
favorisent le repli individualiste et alimentent les discours
d’affrontement entre les générations, les territoires et communautés.
A la demande de nouvelles sécurités collectives et d’un recul de la
violence, la droite a répondu depuis 2002 par la fuite en avant
libérale, conservatrice et autoritaire.
Lanceurs d’alerte, nous avons dénoncé l’épuisement des écosystèmes, la
réduction dramatique de la biodiversité, les
modifications climatiques, la situation catastrophique des pollutions,
les
crises sanitaires, bref, les impasses du productivisme, du
libéralisme et du capitalisme sans entrave.
Après le temps de la dénonciation, après l’expérience gouvernementale
et
l’accès a de nombreux exécutifs, les Verts doivent
devenir franchir une nouvelle étape.
Plutôt qu’un simple replâtrage, plutôt que d’accompagner et de réparer
sans cesse ce qui a fait faillite, il nous appartient de
passer de l’annonce des crises à la promesse de mutation et à la mise
en
oeuvre des solutions.
Entre l’annonce des catastrophes et le « rien n’est possible » il y a
place pour le discours d’un autre chemin pour celles et ceux
qui enjamberont la totalité de ce siècle, qui verront leur existence
traversée par deux mutations majeures, le changement
climatique et la crise énergétique.
Il y a de la place pour la décroissance de notre empreinte écologique,
avec plus de qualité de vie, de « bien être ensemble » et
plus de justice sociale.
Le projet vert doit permettre à chacun de réussir sa vie, avec les
mots,
les images, les cadres d’actions, les exigences de notre
siècle.
L’élection présidentielle de 2007 ouvrira un cycle qui décidera des
investissements stratégiques du futur (énergie, transports,
sécurité sociale, santé, recherche) et redistribuera tous les leviers
d’action publique.
La séquence nous donne l’occasion d’illustrer notre projet de
transformation sur une large échelle, d’en indiquer le but, les
étapes et les alliances nécessaires pour y parvenir..
Voilà pourquoi notre AG doit donner un signal public de clarté
politique,
de stabilité et de renouveau des Verts.
Parce qu’elle va à la racine des choses, notre écologie est globale et
radicale.
On entend dire que l'écologie serait l'affaire de tous les partis (et
par
conséquent d'aucun) ou un enjeu technique indépendant de
la politique.
Il faut réaffirmer au contraire et démontrer en
permanence
la pertinence et la singularité du paradigme écologiste, le
caractère transformateur de l’écologie.
La globalité de l'écologie
allie
les exigences environnementales, sociales, économiques,
démocratiques.
Sortie du ni-droite ni gauche, l'écologie politique n'est réductible ni
à
un sous courant de la sociale démocratie, ni à une
composante de l’extrême gauche.
Elle exprime une vision originale de la transformation qui ouvre ici et
maintenant des champs des possibles d’action et de mieux
vivre dans la société.
L'identité de la gauche repose traditionnellement sur la mise en cause
des
inégalités et sur un projet de redistribution juste des
richesses. L’écologie politique revisite ces questions :
- refuser les inégalités sociales, c’est combattre toutes les
discriminations afin de donner toute sa place à la diversité par la
redéfinition du contrat social, par le renouvellement du pacte
républicain, à travers les actions fortes, symbolitiques et
volontaristes,
- refuser les inégalités environnementales, c’est convaincre chacune et
chacun d’entre nous que notre avenir commun dépend de
la mise en oeuvre de politiques anti-productivistes concrètes, en
matière
de transports, logement, consommation, accès à l'eau,
bruit, santé au travail.
Le changement des rapports sociaux est inséparable de la façon dont on
produit, de ce qu’on produit et de ce que l’on compte, et
par conséquent des rapports avec la nature.
Comme la nature ignore les frontières humaines, les logiques nationales
ne
sont plus aujourd'hui à même de répondre aux
attentes. La nécessité d'une politique européenne comme premiers pas
vers
une régulation mondiale s'impose.
Nous réaffirmons
notre attachement à l’élargissement de l’Union y compris à la Turquie,
et
à son approfondissement, à la remise en chantier de
politiques communes que seules interdisent les égoïsmes nationaux .Il
faut
mettre au centre du débat l'exigence d'une Europe
démocratique et solidaire. Nous devons défendre une nouvelle
Constitution
européenne, socle d'une Europe de paix, de solidarité
et de développement soutenable en mettant en œuvre les moyens
démocratiques nécessaires pour refonder, avec les citoyen-e-s
de l’Union, les institutions européennes.
Notre Europe n’est pas une
forteresse de pays riches, elle se construit avec ses voisins
du pourtour méditerranéen, elle est une maison d’échanges et de
solidarité.
Nous réaffirmons notre solidarité avec le Sud, notre culture de paix et de non violence.
Pour battre la droite, un accord solide à gauche, sur toute la séquence
:
des Verts
autonomes !
Dans l’opinion monte une double aspiration : faire barrage à Sarkozy et
renouveler profondément le contenu et la façon de faire
de la politique.
La stratégie de la « gauche de la gauche »est une impasse : divisée sur
son projet, elle refuse d’apporter une réponse claire à la
façon dont doivent se lier contestation, participation aux exécutifs,
alliances politiques et alliances sociales, résistances et
initiatives alternatives dans la société civile.
Mais battre la droite, tout en évitant qu’elle ne revienne dès 2012
dans
de pires conditions encore, nécessite aussi de ne pas
reproduire des insuffisances, et les erreurs de la gauche plurielle.
Réhabiliter la politique, c’est rénover les pratiques et réformer les
institutions. C’est agir pour restaurer la confiance des classes
populaires dans leur capacité à décider de leur sort.
Nous agissons donc publiquement pour un accord exigeant de législature
et
de gouvernement entre la gauche et les
écologistes.
Les incontournables d’un tel accord sont connus:
Au plan électoral, un groupe parlementaire Vert ;
Au plan programmatique, sur la mandature :
un projet de loi sur la
proportionnelle,
la réorientation forte des politiques en
matière d’énergies, (rupture programmée avec le nucléaire, pas d’EPR
,fermeture et non-renouvellement des centrales en fin de
vie à commencer par Fesseinheim, fermeture de la Hague, d'ITER, non
enfouissement des déchets, promotion massive des
économies d'énergie et des énergies renouvelables propres,)
en matière
de
fiscalité écologique, de transports (pas un kilomètre
d’autoroute en plus), de conversion écologique de l’industrie ,
d’agriculture (arrêt immédiat de la culture des OGM en plein
champ, contrôle des filières, réforme des aides) de déchets (moratoire
incinérateurs), de passage d’une politique de soins à une
politique de santé, de lutte contre la précarité (augmentation des
minima
sociaux) et les inégalités, de 6ème République, d’asile
et d’immigration (abrogation des lois Sarkozy, régularisation des
sans-papiers), de rapports Nord-Sud .
Une réforme de l’Ecole,
de la police, de la justice, de nouvelles avancées contre les
discriminations, pour un renforcement des droits des femmes
permettantune égalité réelle.
Il s’agit de donner la priorité à des politiques globales aboutissant à des résultats partagés par le plus grand nombre.
Notre pays a
besoin par exemple d’une politique volontariste, couplant lutte contre
l’effet de serre et reconstitution du lien social.
Cette bataille du contenu, nous la mènerons aussi longtemps qu’il le
faudra, devant l’opinion publique.
C’est à une AG extraordinaire des Verts qu’il reviendra, en temps
utile,
de décider finalement.
Si les conditions d’un accord ne sont pas réunies, les Verts auront
leurs
propres candidats dans toutes les circonscriptions.
En cas d’accord politique et de victoire de la gauche et des Verts lors
des législatives, les termes d’une participation
gouvernementale seront validés par le Conseil National.
Il devra être clair aux yeux de l’opinion et de nos partenaires, que
les
Verts joueront le jeu d’un tel accord, mais que nous
sommes prêts à quitter la coalition s’il n’est pas respecté.
Troisième temps de la séquence électorale, les municipales sont un
moment
fondamental pour affirmer notre autonomie et la
capacité des Verts à répondre aux défis concrets de la vie quotidienne
de
nos concitoyens.
Elles sont un moment important aussi de la construction et de
l’élargissement de notre mouvement, du dialogue avec la société
civile : mouvements autonomistes (particulièrement RPS), la mouvance
associative, les acteurs de l'ESS.
L’Assemblée générale, attachée aux alliances des Verts et de la gauche
au
second tour, insiste auprès des groupes locaux pour
qu’ils conduisent au premier tour des listes Vertes et ouvertes partout
où
cela sera possible, à commencer par les villes de plus
de 50 000 habitants, pour animer des dynamiques citoyennes porteuses de
transformation écologique et sociale.
La décision des stratégies municipales appartient aux organisations
statutairement compétentes : mais nous agissons pour une
stratégie nationale, préparées par des conventions thématiques
nationales
et la mutualisation du matériel de campagne.
Des Verts divers et ouverts!
Les Verts n’ont aucune vocation à être assimilés à la simple expression
des préoccupations des classes moyennes urbaines
diplômées. Développer les Verts, c’est les mettre en dialogue avec les
groupes sociaux actuellement les plus éloignés de la
politique.
D’abord parce que les plus pauvres paient le plus lourdement la facture
de
la dégradation environnementale.
Ensuite parce que dans les résistances et les innovations de ceux d’en
bas, se modèle le monde de demain : Les sans papier en
lutte, la banlieue qui brasse les populations, la jeunesse qui aspire à
l’autonomie, les créateurs d’activité qui recomposent le lien
entre revenu et travail, les militants des circuits courts, les
entrepreneurs des technologies écologiques, tous disent la vérité d’une
civilisation qui se cherche et s’invente dès à présent.
Nous devons poursuivre la clarification et la confrontation avec les
associations, syndicats, mutuelles, collectifs, groupements
professionnels, avec qui nous avons des convergences mais sans suivisme
d’aucune sorte : nous poursuivrons par exemple , à
propos de l’avenir d’EDF, notre action pour un service public de
l’énergie
non nucléaire.
De la même façon, nous affirmons notre volonté de faire vivre les
principes de la laïcité. L’universalisme est une valeur
concrète : elle doit s’incarner dans une lutte de chaque jour contre
les
discriminations et pour l’égalité des droits.
S’agissant de leur rapport avec les autres forces qui se réclament de
l’écologie, les Verts rappellent leur attachement à la tenue à
terme d’Assises décentralisées de l’écologie politique après l'
élection
présidentielle. La question ne se pose pas en termes de
ralliement ou de fusion.
Les Verts souhaitent en outre qu’elles s’ouvrent aux associations,
mouvements et personnalités actives sur le terrain de
l’environnement, aux réseaux de l’économie sociale et solidaire, de
solidarité avec le Sud, de défense des droits des étrangers, de
lutte contre la précarité et pauvreté, aux syndicalistes de la
reconversion écologique, aux mouvements régionalistes et de
consommateurs…
Des Verts réformés.
Les Verts ont toujours eu l’ambition d'être le laboratoire des réformes
qu’ils prônent pour la société : partage des responsabilités
électives, transparence et limitation des revenus tirés de la
politique,
parité, refus d’un fonctionnement présidentialiste,
fédéralisme, respect des minorités, statut de l'élu...
La réflexion engagée à travers la RPI doit aboutir à la nécessaire
réforme
des statuts et à une amélioration de nos pratiques
politiques : elle n’a pas pour but d’aligner le fonctionnement des
Verts
sur celui des autres partis, mais au contraire de réduire ce
qui entrave l’application de la démocratie, freine l’adhésion, ronge la
convivialité de l’engagement.
En particulier, la place des courants et des sous-groupes de pression
internes, n’est excessive que parce que l’exécutif et le
parlement verts sont faibles.
Ce dont les Verts ont besoin : une équipe exécutive soudée et légitime,
un
CNIR retrouvant son rôle d’élaboration et de contrôle
politiques, des commissions reconnues et relayées régionalement, des
élus
communiquant plus efficacement et mieux pris en
compte, des compétences militantes valorisées, une politique ambitieuse
de
formation des responsables et des militants, une
presse audible et à large diffusion.
Il est nécessaire de mieux faire fonctionner le «national» en réformant
les modes d’élection et la composition du CE et du CS, de
renforcer l’interrégional.
Il est nécessaire, sans remettre en cause son principe, d'examiner la
façon dont la règle de la proportionnelle, dans la désignation
des exécutifs, aboutit à plus de rassemblement et d'unité.
Il est nécessaire de faire respecter l'obligation démocratique : elle
passe par le respect des décisions prises.
Il est nécessaire de construire notre mouvement par « en bas »,
c'est-à-dire de renforcer les groupes locaux en leur donnant un
statut et des moyens.
Nous devons développer une culture de l’adhésion, en offrant à celles
et
ceux qui partagent nos grandes orientations, un lieu
propice à l’engagement et aux débats d’idées.
Nous devons en interne mieux définir le rapport élus/militants,
militants
thématiques/militants locaux
diversifier les modes d’accès aux responsabilités en particulier pour
tous
ceux qui sont engagés dans l’action associative ou
syndicale, dans l’entreprise, dans l’innovation sociale et écologique.
Nous proposons donc d’engager un processus participatif de réforme des
statuts, d'un an commençant au printemps 2007 à une
« constituante » verte de réforme des statuts.
Une commission sera à
cet
effet constituée sur la base des sensibilités issues de
l’Assemblée générale de Bordeaux.
Des Verts prêts pour l'action
Les Verts sont à un tournant de leur histoire:
Leurs militants sont actifs dans les luttes et dans les mouvances des
propositions alternatives concrètes. Leurs élus conduisent
des politiques lourdes et sont reconnus comme compétents et dévoués à
l’intérêt général. La qualification de tous s’est accrue.
Le travail des commissions et la volonté de co-élaborer le projet vert
ont
permis d’avancer.
Mais notre image reste brouillonne : même si l’opinion reconnaît que
nous
avons eu raison sur bien des points, les conflits
internes de ces dernières années interrogent sans doute une partie de
l’opinion sur notre capacité de participer à la gestion des
affaires nationales.
Nous avons donc à montrer dans la période à venir en quoi le vote vert
est
un vote doublement utile :
Pour battre la droite, et pour mener la gauche et les Verts à la
réussite,
c'est-à-dire pour faire face réellement aux grands enjeux
de la période.
Voilà pourquoi, nous appelons les verts à se rassembler autour de la campagne de Dominique Voynet candidate à l’élection présidentielle.
Elle sera, dans cette campagne, une des voix de notre
mouvement, dans toute sa diversité,pour fédérer les
initiatives alternatives ,les engagements citoyens du « peuple
écologiste » .
Elle aura besoin de notre soutien, pour faire entendre nos idées,
convaincre de l’urgence et de l'utilité de nos propositions.
Voilà pourquoi nous proposons pour diriger les verts une équipe qui
s’inscrive dans le renouvellement voulue par les militants,
mais aussi dans la continuité des compétences validées par
l’expérience.
Notre pays a besoin d’un parti écologiste ambitieux, rigoureux, cohérent. Nous pouvons compter et peser à l’avenir, si nous le voulons !